11/22/2008

Fiches jetées dans le vent, paroles d'enseignants, messages naïfs, bouteilles à la mer...

Aujourd'hui nous sommes allés à deux ou trois reprises écouter le groupe Pulcinella invité à Pau dans le cadre de la fête du livre.
Je les écoutais jouer , avec un bonheur mêlé de frustration et de mélancolie: un peu de fantaisie de comedia del arte, de beaux motifs mélodiques, juste ce qu'il faut de ruptures et de dissonances, quelques dialogues de comédie entre Saxo et Accordéon,et sous la fantaisie en apparence débridée, une vraie composition, une organisation structurée dans l' intervention des différents instruments ...
Mais peu de public, un public distrait, labile...des bruits dans le son...la foire dans la fête;
Et je me disais leur musique , c'est une bouteille à la mer. Qui la recevra,qui la trouvera?qui l'appréciera? les quelques auditeurs accrochés au passage ,et pour qui désormais ces musiciens vont exister, les enfants qui jouent à leurs pieds et se laissent pour un temps captiver par leur musique, les organisateurs qui les convieront à nouveau pour de moins hasardeuses animations?

Et je me disais nos fiches aussi sont bouteilles à la mer, jetées sur l'océan du web, parmi tant de publications sur la maternelle, la grammaire, le langage. Qui les lira? qui les trouvera?quels bruits devront-elles traverser pour atteindre des récepteurs? seront-elles jamais utiles à quiconque?

Autant en emporte la mer!
http://pagesperso-orange.fr/f.et.m.rebinguet/

pour la partie musicale voir le bistrot des accrdéons

Libellés : ,

11/21/2008

Langage en maternelle, se construisant au jour le jour , dans les jeux, dans les livres , dans les premières traces écrites...

Notions de grammaire se construisant de textes en textes, intuitives d'abord et comme sauvages, puis s'explicitant peu à peu, dans un petit ouvroir de grammaire.

Voilà l'expérience que nous avons formalisée dans des fiches d'activités , certes bien insuffisantes pour restituer la réalité expérientielle, mais que nous voudrions bien partager...



Partager, c'est ce que nous aimerions faire, partager des fiches que nous avons construites jour après jour, en mobilisant nos expériences de professeurs et de formateurs.

Surgissent alors des images et des émotions : toutes les classes auxquelles nous avons assisté, tous les groupes de travail auxquels nous avons participé, tous les apprentissages que nous avons eu le privilège de suivre ou de conduire.



Surgissent alors des visages, d'élèves lisant penchés sur les Rêveries du promeneur solitaire, d'élèves-stagiaires enseignant , tendus dans l'effort d'accompagnement des premiers pas des enfants vers l'écrit, parfois secoués , parfois régnant sur leur classe avec une lumineuse présence, visages de collègues travaillant à améliorer leur pratique par une réflexion partagée, visages disparus mais que nous n'oublierons jamais, savoirs faire d'exception que nous voudrions transmettre.



Surgissent les visages de Charlotte et Camille, s'essayant à écrire en "bâtons" , puis en cursive, jouant à écrire, écrivant en jouant, apprenant à lire en écrivant, et jouant, jouant à l'école, et apprenant...



Si ces fiches vous intéressent , suivez le lien...
http://pagesperso-orange.fr/f.et.m.rebinguet/

http://pagesperso-orange.fr/f.et.m.rebinguet/

Libellés : , , ,

1/31/2006



« C’était un petit cheval blanc…
Qu’il avait donc du courage…. »

Les enseignants sont fatigués :
Il y a les enfants qui crient, qui sourient, qui font sourire, qui font crier
Il y a les élèves qui découvrent l’écriture
Ceux qui dessinent en couleurs, qui s’enchantent à pleine voix des histoires et des nombres magiques
ET ceux qui dessinent au fusain noir et écrivent en bégayant
Qui ne lisent pas les histoires
Et se cognent aux numérations
Il y a le bruit des voix d’enfants des rires ET des cris des disputes
Il y a le mouvement incessant des petits pieds des petites mains des petites trousses et des gros cartables
Des baisers volés ET des cheveux tirés, des grimaces tordues, des coups donnés et reçus

Il y a les parents qui s’inquiètent qui exigent qui croient savoir et qui savent parfois, qui sont déçus et qui le disent ET ceux qui sont contents quelquefois et ne le disent pas

Il y a l’inspecteur qui dit ce qui serait bien mais ne dit pas ce qui est bien
A qui on demande des papiers, des rapports, des projets et des projets et des rapports de papier
Et qui demande à son tour des papiers, des projets et des projets de papier
Et qui s’en va dès que possible porter sa bonne parole ailleurs

Il y a le ministre qui pontifie, décrète, ignore les choses et les gens,qui fait du neuf sans avoir lu l’ancien
Qui demande des rapports et ne les lit pas
Qui fait des textes, qui refait les textes, qui amende les textes refaits, qui abroge les textes amendés,
Il y a les médias qui ne savent rien mais qui en parlent bien ou en tout cas beaucoup

Il y a les syndicalistes camarades gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche,
Cramponnez- vous de peur de changer
N’avancez pas vers l’abîme

Il y a les collègues chevronnés qui savent mieux mais n’osent pas le dire
Il y a les collègues débutants qui ne savent pas si mal mais n’osent pas le dire
Il y a les collègues qui ne cherchent pas à savoir mais qui s’en foutent

Il n’y a plus la foi
Il n’y plus la flamme

Il n’y a personne qui vous écoute et qui vous trouve intelligent
Personne qui pense que l’école ne réussit pas si mal
Personne pour donner envie de réussir encore mieux
Le petit cheval est bien fourbu
Et les enseignants se prennent à rêver
S’il y avait moins d’injonctions successives
Plus de temps pour y réfléchir
Moins d’évaluations et plus d’apprentissages
Davantage de lieux de paroles
Moins d’élèves dans certaines classes
Des formations plus simples et plus tranquilles
Le temps d’apprendre et le temps d’enseigner
Des parents des inspecteurs des ministres exigeants mais POSITIFS
Si nous cessions d’être enfants-rebelles ou enfants- soumis
Si nous devenions adultes, autonomes et responsables,
Fonctionnaires libres que la précarité ne menace pas
Le petit cheval pourrait revoir le printemps

1/08/2006

Fausses querelles et vraies questions

Peut-il y avoir vrai débat entre « la méthode syllabique » tellement protéiforme qu’on aurait peine à s’y référer et « la globale »[1] dont C.Freinet lui-même dit qu’elle ne le reste jamais, globale… ?
Peut-il y avoir un débat raisonnable sur une comparaison raisonnée de démarches aussi mal définies pour et par ceux qui en débattent…

S’il y a combat c’est combat de symboles et des modes d’enseignement que ces « méthodes » connotent…

1. Que connote la méthode syllabique ?
Rigueur scientifique, cartésienne (du simple au complexe !), travail systématique et exhaustif sur les correspondances lettres-sons, valeurs traditionnelles, fondamentaux…
Associations mécaniques plutôt que synthèse intuitive et construction raisonnée, médecine spécialisée et ses références : orthophonie, dyslexie, neurosciences.
2. Que connote la méthode globale ?
La globalité du développement et de l’apprentissage, le complexe, les interactions que le maître a du mal à maîtriser, le flou de la vie, l’insaisissable, l’incontrôlé…les médecines globales…la construction tâtonnante de l’apprenti …les stratégies d’apprentissage individuel, la systématisation non programmée a priori, des textes longs, des mots « compliqués » à écrire…
3. Que peut-on critiquer dans la méthode syllabique ?
Certainement pas ce qu’elle induit de travail de réflexion sur les composantes phonographiques.
MAIS ce qu’elle ne fait pas : la place à l’autre part de l’apprentissage : la tension vers le sens du texte, la mémorisation d’unités globales, l’effort de construction interactive, la multiplicité des outils, le tâtonnement et sa rigueur : la vérification.
On pourrait lui reprocher d’occulter la complexité orthographique du système, en privilégiant les mots simples à écrire, le képi et la pipe de papa, de cacher plus ou moins les lettres muettes, les graphies multiples, l’orthographe spécifique aux mots et aux textes, de feindre d’ignorer que « Fatima ne lave plus la salade » mais « poursuit aujourd’hui de brillantes études au lycée »…de prétendre se passer de la mémorisation des mots en prétendant qu’il suffit pour écrire de connaître le code de correspondances entre les lettres et les sons.
4. Que peut-on critiquer dans la méthode globale[2] ?
Certainement pas ce qu’elle induit de construction, de mémorisation, de désir de sens, les tâtonnements, l’attention portée aux mots et aux textes, leur signification et leur orthographe.
MAIS ce qu’elle risquerait de négliger si elle demeurait globale : la réflexion sur les composantes graphophonétiques de l’écriture, une systématisation insuffisante des outils construits, de ne pas organiser assez méthodiquement la mémorisation des unités intuitivement reconnues, de précipiter les apprentis dans trop de découvertes sans stabilisation rigoureuse…de ne pas aider assez dans des situations complexes.
Mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas s’attacher à l’orthographe des mots et des textes puisque les mots et leur orthographe constituent son point de départ obligé…

5. Pourquoi ne pas SE renseigner avant de critiquer et de décréter ? Pourquoi ne pas renseigner TOUT UN CHACUN, ministre, parent, ou… enseignant ? (Car tout le monde n’ pas la chance d’être enseignant de CP !!!!)

6. Mais accorde-t-on le TEMPS, l’AIDE, la CONFIANCE nécessaires aux enseignants pour qu’eux-mêmes donnent le temps et l’aide nécessaires aux apprentis lecteurs pour apprendre, et qu’ils aient à leur tour confiance dans les capacités de leurs élèves à apprendre ?

7. Ou bien enseignants et élèves n’avancent-ils pas sous étroite surveillance dans un monde obsédé par le contrôle permanent…fondé sur des notions confuses et des critères mal définis ?

8. N’évalue-t-on pas avant d’apprendre ou d’enseigner ?

9 .Et l’école va-t-elle à l’essentiel de son travail ?
Lecture, écriture, culture, apprendre à travailler et à vivre en société ?
Ou se perd-elle en dispositifs sophistiqués d’apprentissage en classe et en démarches pseudo réflexives en formation professionnelle????????

10 .Est-il possible aujourd’hui de retrouver à la fois la complexité de la réflexion pédagogique et la simplicité des actions d’apprentissage ?
Ce qui se concevrait bien (donc dans le complexe) s’exprimerait par des actions qui auraient la simplicité du bien pensé….

Si les questions se prétendent vraies, les réponses sont miennes…

[1] Comme on disait « la communale » !!!! Enfin dans le milieu de mes parents, je doute que nos dirigeants en aient jamais entendu parler.
[2] Dans l’hypothèse qu’elle existerait et serait pratiquée dans une forme « purement » globale

12/22/2005

Histoire d’âge ?

« Quand on est enfant, on s’intéresse beaucoup aux histoires. On aime bien les événements qui s’enchaînent, vite fait, que le loup est arrivé, qu’il a frappé à la porte, que la grand –mère a dit entrez, qu’il a croqué la pauvre vieille…Les considérations sur les motivations du loup, la situation sociale de la grand-mère …on s’en bat l’oeil, vraiment. Ce qui compte, quand on est petit, ce qui intrigue, ce qui passionne, c’est de savoir si le loup va ou non s’avaler aussi la petite fille…on en rêve on en redemande »
Ainsi parlait Claude Duneton page 117 de son Antimanuel de français…
Je n’ai jamais cessé pour ma part de m’intéresser aux histoires, parfois certes j’y ai oublié la vie et ses moments difficiles, mais j’y ai appris bien des choses sur la vie et sur moi-même, et sur les gens d’ailleurs…Etant labellisée prof de Lettres (classiques !) j’ai pu sans vergogne quoique tardivement avouer ce penchant populaire pour la lecture « ordinaire » qui allait de pair avec le goût du cinéma « grand public »ou « commercial », les chansons de France Gall et de Julien Clerc , la musique d’accordéon et l’opéra…
Cadfaël, le moine guérisseur d’ Ellis Peters m’a bien aidée à dépasser l’angoisse d’une opération des yeux et autres maladies, pas moins d’ailleurs que son collègue le docteur Rieux, le médecin à l’air renseigné de la Peste. Une page de Patricia Cornwell, un moment avec Le nom de la rose, une pensée de Pascal , ainsi va ma vie de lectrice ordinaire, ainsi sans doute va la vie de beaucoup de lecteurs, « semée d’autant de fleurs » que leur goût des histoires le leur permet…
Je plaiderais si j’avais audience auprès de mes collègues de la maternelle au lycée la cause de cette lecture que Christian Baudelot qualifie « d’ordinaire »
Qu’on ne s’y trompe pas, « ordinaire » n’est pas son contenu, « ordinaire délimite l’espace de toutes ces lectures qui utilisent explicitement le texte à des fins qui lui sont extérieures »[1]. « L’adjectif ordinaire signifie que le livre et l’usage qui en est fait sont pleinement ancrés dans les préoccupations immédiates de la vie quotidienne » […],qu’on en fait ainsi « un usage ordinaire afin de se former et de donner un sens à sa propre vie ». « La lecture ne relève plus de la littérature mais de la vie. 1».
Qu’on fasse de la lecture son ordinaire
,
l’école pourrait nous en donner le pli…que cet ordinaire soit du Camus ou du Simenon, ou encore de la lecture savante « qui fait du texte (dans son sens, ses formes, son affiliation à un auteur ou tout simplement dans sa valeur spécifique) l’intérêt et la fin de la lecture »1.
Car si la lecture savante est « viande céleste » pour certains de nous, la lecture ne peut pas être que savante, car ce serait en somme « la mort de la lecture »
Et si l’école est un apprentissage de la vie, elle doit faire place à une lecture de vie.
[1] Et pourtant ils lisent…(Seuil) Christian Baudelot 1999

12/10/2005

La méthode globale, cette galeuse


Célestin Freinet a écrit (environ une décennie avant 1968 ):
« Au moment où tous les pays prennent conscience de la nécessité où ils se trouvent d’adapter leur système d’éducation aux besoins nouveaux de la Société, de la science et de ses techniques, une sorte de vent de réaction pédagogique semble souffler non seulement chez nous mais aussi internationalement. …
Une réprobation inconsidérée…
Le mécontentement naturel qui devrait s’attaquer aux causes de la crise scolaire et éducative : aux locaux inadaptés, à la surcharge de classes, au salaire insuffisant des maîtres, contrariant le recrutement, à l’aggravation des conditions de vie des enfants qui diminue leur capacité de jugement et d’attention, ce mécontentement a été fort habilement détourné sur les méthodes nouvelles et parmi celles-ci, sur la méthode globale, cette galeuse !
Nul ne la connaît puisqu’elle n’est employée telle quelle dans aucune école de France, qu’aucun manuel ne la recommande spécialement et que l’immense majorité des méthodes en usage font encore honneur au b a ba de notre enfance. On sait vaguement que la méthode globale est comme un symbole, celui de la non- obédience aux pratiques traditionnelles qui enseignent la lettre, la syllabe, le mot,et seulement après, la phrase…On a persuadé les parents qu’on ne peut apprendre à lire que si on connaît au préalable les syllabes et les mots ; que la méthode globale , en attaquant le problème par l’autre bout, fausse tous les mécanismes, ce qui nous vaut les pannes pour lesquelles on cherche en vain les remèdes.. .

Et … on cria HARO sur le Baudet !
Ce pelé, ce galeux d’où venait out le mal

Et Célestin continue d’expliquer :
« Essayons donc de faire le point :
le principe de la globalisation est indéniable et n’est d’ailleurs pas, dans la réalité une découverte récente.
mais le principe de globalisation n’est nullement exclusif de toute analyse ni d’une attention particulière aux éléments constructifs de l’ensemble. l’analyse ne saurait se suffire sans globalisation et inversement. Une bonne méthode doit faire fond en permanence sur les deux processus comme cela se produit dans toute acquisition vitale naturelle.
d’autant plus- et on l’a souvent négligé- que le fonctionnement de ces processus n’est pas exactement le même chez tous les individus et ne saurait être établi comme règle uniforme et obligatoire.
Il y a des individus qui sont portés vers une conception analytique particulièrement efficace et que troublerait un trop pressant appel du globalisme …ce sont en général des enfants amoureux du détail… qui distingueront avec maîtrise les composantes et qui seraient parfois tentés de négliger l’ensemble.
Et il y a au contraire des personnalités qui voient davantage les ensembles, qui sont globalistes nés et qu’on aura à ramener prudemment parfois à l’étude attentive des détails qui conditionnent les ensembles.
C’est pourquoi une bonne méthode…ne doit être ni exclusivement globale ni exclusivement analytique ; elle doit être vivante avec un recours harmonieux et balancé à toutes les possibilités que porte en lui l’enfant… »

Que dire après Célestin ? Sinon une fois encore :
L’école la vie … !